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Chaque semaine, vivez au rythme de la série exclusive WANKR ! A chaque chapitre, suivez les aventures d’André Williams, simple comptable qui se retrouve plongé au cœur d’une machination politico-industrio-écologique à l’échelle planétaire. Cette semaine, épisode 5 !

5.

La nuit qu’André venait de passer lui avait paru délicieuse. Ce matin, il se sentait détendu. Groggy mais décontracté. Comme si la pression de la veille était redescendu d’un coup. En y repensant, quel après-midi infernal… Heureusement, la veille, en fin de journée, il avait réussi à réunir ses forces pour appeler son collègue Jean-Pierre et le prévenir qu’il lui fallait quelques jours de repos, sans plus d’explications. « Ce n’est pas la peine de m’attendre demain. Je serais de retour mercredi. » avait-il conclu avant de raccrocher à Jean-Pierre qui n’avait jamais connu André absent du cabinet. Lui qui s’était toujours arrangé pour ne rater aucun jour de bureau. Mais là, il y avait urgence. Bien décidé à en savoir plus, il eu un réflexe qui trahissait qu’il était né au siècle précédent. Il se rendit au buraliste le plus proche. A la surprise du marchand, il acheta tous les journaux du matin dans l’espoir de découvrir qui était l’homme qu’il avait vu mourir la veille. Au moment de payer, il a attrapa machinalement un livre de poche sur un présentoir qui se trouvait sur le comptoir. ‘Numérologie : le secret des nombres’. Certes il avait toujours été sceptique face à ce genre d’écrits mystiques. Une pseudo-science dont les interprétations souvent fantasques, et le fait de trouver des explications là où il n’y en avait pas, avait toujours exaspéré André. Pour lui les chiffres, c’était aussi simple que un plus un égale deux. Ils étaient un outil de mesure logique, rien de plus. Mais là encore quelque chose lui échappait et il lui fallait des réponses. Alors pourquoi pas dans les chiffres ? Que pouvait représenter le 7 de la bague de l’homme ? Il y avait-il d’ailleurs une symbolique à voir ? Pourquoi l’homme avait-il tant insisté sur l’objet en mourant ? Cela avait-il un lien avec la fameuse caste à laquelle il avait fait allusion ?
Le fait qu’il rentre dans ce petit jeu commençait sérieusement à agacer André. Certes il n’était jamais le dernier quand il s’agissait d’élucider les énigmes des séries policières qu’il suivait, mais de là à en devenir l’acteur, voir même une des victimes… Cela devenait perturbant. Et puis il ne voyait toujours pas l’intérêt de vouloir construire un quelconque argumentaire sur des concordances de chiffres, d’autant que la plupart du temps, tout ceci n’était que le fruit du hasard. Malgré tout il paya les journaux et le livre et s’empressa de rentrer chez lui.
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Pendant une bonne partie de la matinée, il éplucha les journaux à la recherche d’indices. Des gros titres de première page aux pages nécrologiques en passant par le sport… Rien. Rien sur la mort d’un homme, à qui André donnait une cinquantaine d’années, qui semblait être un homme d’affaires, vu le costume austère et la présence d’un attaché case dans les toilettes. André avait d’ailleurs été surpris de constater que l’on pouvait encore utiliser ce que l’on appelait communément une « mallette ». Ce qui l’avait amené à en déduire que l’homme était âgé.
Assis sur la mer de journaux qui jonchaient son salon, André était perplexe. « En même temps, des gens qui meurent d’infarctus, il y en a tout le temps et ils ne font pas la une des journaux. » s’était-il exclamé, comme pour se rassurer de ses compétences d’enquêteur.
Mais il avait l’intuition que cet homme là n’était pas n’importe qui. A la vue des feuilles éparpillées, André eut un flash : l’homme lui tendant la main et lui montrant la bague.
Il se jeta sur le livre sur la numérologie et se rendit directement au chapitre sur le chiffre 7.
Et ça commençait fort : ‘En raison d’un nombre de coïncidences historiques, physiques, ésotériques et mathématiques, le chiffre 7 est parfois considéré comme un « chiffre magique »’. André ravala un instant son orgueil et sa salive et continua à lire.
‘Le sept est considéré comme hautement significatif au niveau de la symbolique des nombres depuis des temps très anciens, dans de nombreux domaines, et dans la plupart des civilisations. Par exemple, il y a sept jours de la semaine, sept planètes majeures, sept notes de musique, sept couleurs du spectre de lumière, sept orifices du visage, sept merveilles du monde… Le Sept est considéré comme un nombre « sacré », un nombre divin utilisé notamment dans les mythes de plusieurs religions.
En hindouisme, c’est le nombre de chakras ou centres spirituels, le nombres de rishis primordiaux – les sages qui auraient « entendu » le Véda primordial–, le nombre de fleuves sacrés.
En bouddhisme, on parle des sept facteurs d’éveil.
Dans l’islam, c’est le nombre de cieux et de portes de l’enfer. C’est le nombre de versets de la sourate al-Fatiha et comme dans la bible, c’est le nombre de jours pendant lesquels Dieu a créé le monde.
Dans la bible, c’est le nombre de sacrements dans la religion catholique. Le chandelier à sept branches. Les sept pêchés capitaux. Les sept vertus. Les sept têtes de la bête de l’Apocalypse.’
« Whoah. » André voulait des faits, du concret. Il était servi. Il avait compris que ce chiffre était spécial, voire sacré mais que pouvait-il bien représenter sur cette bague ?
Désormais absorbé, il poursuivit sa lecture.
« Le Sept, chiffre fondamental, présent dans tous les systèmes religieux, doit avoir sa raison d’être. Il semble avoir été le nombre sacré par excellence parmi toutes les nations civilisées de l’antiquité. Pourquoi ? On n’a jamais répondu d’une manière satisfaisante à cette question. Chaque peuple séparé a donné une explication différente, suivant les données de sa religion. Qu’il ait été le nombre des nombres pour ceux qui étaient initiés aux mystères sacrés, cela ne peut faire aucun doute. Pythagore l’appelle d’ailleurs le “Véhicule de vie”. »
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Quoique l’on pouvait penser de la numérologie, André devait accepter la réalité : le sept est omniprésent dans l’histoire et le monde qui nous entoure. Il est fort d’une grande symbolique.
« Mouais » avait mollement lâché André, pas tout à fait convaincu. Et une question essentielle demeurait : la bague pouvait-elle avoir un lien, voire même être la cause de la mort de l’homme ? André n’était pas plus avancé. Certes plus érudit et désormais au fait d’anecdotes auxquelles il n’avait pas spécialement fait attention auparavant… mais toujours au point zéro.
Il regarda le foutoir qu’il avait mis dans son salon et quelque peu dépité commença à ranger les journaux. Tout à coup, il tomba sur un article qui, quelques heures plus tôt, n’avait pas attiré son attention. « Glyphosate : Contamination des humains ». Glyphosate ! Voilà un des mots que l’homme avait prononcé ! Le front d’André se plissa au fur et à mesure qu’il parcourait les lignes.
« Le glyphosate est l’herbicide chimique le plus vendu sur la planète. Tout particulièrement depuis qu’il est devenu indispensable car couplé avec des OGM qui lui sont résistants. En outre, il est utilisé en sylviculture mais aussi massivement en milieu urbain et chez les particuliers.
Résultat : on retrouve des traces de glyphosate partout, bien que les quantités soient faibles : dans l’air, dans l’eau et bien sûr dans nos aliments. Ceux traités directement avec les produits, qu’ils soient OGM ou non mais également dans la viande et les produits provenant des animaux (lait, œufs) puisque ces derniers consomment en quantité du fourrage traité avec des produits contenant du glyphosate.
Par ailleurs, au fil du temps, les limites autorisées par la Commission du Codex Alimentarius pour le glyphosate dans les denrées agricoles de base ont augmenté. »
Codex Alimentarius ! Voilà deux des autres mots que l’homme avait prononcé ! André bouillait. Il reprit sa lecture avec encore plus de ferveur.

« La limite maximale des résidus de glyphosate fait écho aux besoins de l’agriculture industrielle et du commerce, et la tendance est à l’augmentation. Avec les rehaussements successifs des seuils légaux, on permet aux agriculteurs d’utiliser de plus grandes quantités d’herbicides sur une vaste gamme de cultures. Il est probable que la population soit de plus en plus exposée au glyphosate au travers de son alimentation. »

André était abasourdi. Vouloir produire toujours plus au mètre carré et gagner toujours plus. Telle était donc la promesse de Monsenti aux agriculteurs qui se réjouissaient des résultats de productivité que pouvait leur amener l’utilisation de produits à base de Glyphosate. Et ce au détriment de la santé publique.
Il en revenait à son K.O. d’il y a quelques semaines. Voilà que venait à lui la preuve que l’industrie chimique, censée améliorer la vie de l’humanité en la nourrissant mieux et en la soignant mieux, était de fait en train de l’empoisonner sciemment, au nom du capitalisme.
Mais cela ne lui en disait pas plus sur l’homme en question… André espéra trouver une réponse dans la dernière partie de l’article. Celui-ci indiquait que l’on retrouvait des traces de glyphosate jusque dans le pain… que les urines d’une majorité de la population testée en contenait également, preuve que le produit arrivait dans le sang de l’homme. Des études, financées par l’industrie, suggérait certes que le glyphosate était presque entièrement éliminé du corps humain en l’espace d’une semaine. Mais que cela valait-il quand les individus était continuellement exposés au glyphosate au travers de l’alimentation ?
D’autant plus que le produit venait d’être classé comme cancérigène par les institutions spécialisées dans le cancer, évoquant les dégâts prouvés sur l’ADN, les cellules humaines et les chromosomes.
L’article était sans appel : « Cet herbicide est sans doute le plus symptomatique des dérives de l’industrie agro-alimentaire et de la prétendue bienfaisance des cultures transgéniques. »
Toutefois, c’est dans un petit encadré en bas de page qu’André trouva enfin une partie de la réponse qu’il cherchait : « Le représentant japonais de la firme, Takashi Uno, sera présent à Paris aujourd’hui pour un procès sans précédent d’un agriculteur contre Monsenti pour intoxication par exposition aux produits contenant du Glyphosate.  La multinationale, accusée « de polluer l’eau, les sols ou l’air, d’accélérer l’extinction de la biodiversité et la progression de ce que l’Organisation mondiale de la santé appelle l’« épidémie de maladies chroniques évitables » (cancers, maladies d’Alzheimer ou de Parkinson…) ou encore de menacer la souveraineté alimentaire des peuples, par le jeu des brevets sur les semences et de la privatisation du vivant, devra faire face à un dossier qui pourrait être lourd de conséquence dans un combat digne du pot de fer contre le pot de terre ».
Se pouvait-il que l’homme qu’André cherchait à identifier soit lié à ce Takashi Uno ? Peut-être même que c’était lui ! Tremblant, il se jeta sur son ordinateur pour faire des recherches. Il semblait que Takashi Uno avait un nombre incalculable d’homonymes. « Certainement le monsieur Dupont japonais » en avait conclu André. Après avoir disséqué des centaines de profils facebook, il ne trouva rien de probant, ni de photos ressemblant à l’homme qu’il avait tenu dans ses bras. Bien décidé à en découdre, il fouina plus encore pour avoir des informations sur le procès et surtout sur l’endroit où il devait avoir lieu. Il pourrait peut-être en savoir plus en se rendant là-bas. Mais qu’allait-il découvrir au tribunal ? Aurait-il accès à qui que ce soit ? Quoiqu’il en soit, il ne pouvait resté assis là sans rien faire. D’autant qu’il était désormais persuadé que le jeu en valait la chandelle.
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