Ok les gens… Retour rapide. On remonte jusqu’en 1987 et on se visionne cette interview vintage dans laquelle Joeystarr, Rocking Squatt, Solo (Assassin)(a), Meo et Mode2 (légendes du graff)(a) répondent aux questions d’une journaliste. Cela se passe dans le terrain vague de la Chapelle, lieu mythique du mouvement hip hop parisien de l’époque.
[dropcap size=big]C[/dropcap]ette vidéo a beaucoup tourné et les anciens aiment se la visionner de temps à autres et de commenter : “ah ben ça ne nous rajeunit pas“, “Belle époque!” ou l’habituel “C’était mieux avant!“etc…
Ce qui motive ici la publication de cette vidéo, c’est une question postée par Solo quand au succès de cette dernière, sur son mur facebook. Je cite : “Cette vidéo tourne à n’en plus finir, SVP pouvez vous me dire ce qu’elle a de si spécial que les gens ne s’en lassent pas … Moi pas comprendre ?!” Bien évidemment, le “Moi pas comprendre” est ironique. Parfaitement conscient du caractère culte de cette séquence, Solo en profite pour en remettre une couche et la publier à nouveau et ce, pour notre plus grand plaisir.
Mais au fond, qu’est ce qui plait tant dans ces 15 minutes pendant lesquelles les jeunes artistes parlent de tout et de rien et souvent de façon maladroite? La réponse est à mes yeux assez claire. Cette interview reflète une certaine spontanéité juvénile. Une innocente période durant laquelle ces artistes étaient à des années lumière de savoir jusqu’où leur passion les mènerait. Le discours était loin d’être rodé et la désinvolture etait au menu du jour. Joey, déjà “fort en gueule” amusait la galerie et semblait le plus à l’aise dans cette exercice médiatique (chose toujours valable aujourd’hui). La présence du chat dans les bras de Meo et la posture de Solo, contribuent grandement au capital sympathie de ce moment télévisuel.
Il faut remettre les choses en perspective : 1987. C’était il y a près de trente ans! Les médias s’interrogeaient et cherchaient à comprendre ce mouvement mystérieux grignotant (en bien et en mal(b)) peu à peu l’espace culturel et médiatique. Quand on y réfléchit deux secondes après cet exaspérant un calcul rapide, on a vite fait de réaliser que le temps est passé à une vitesse incroyable et que l’on se souvient de cette époque comme si c’était hier… Et pourtant.
Putain, oui, on est vieux! On se surprend à tomber en émoi dès qu’un témoignage de l’époque resurgit sur les écrans. Je me souviens, plus jeune du regard nostalgique de mes parents lorsqu’ils tombaient sur un sujet sur les Supremes, Ray Charles à la télé ou autres artistes Soul ayant fait rayonner leur jeunesse. Et bien nous avons le même regard aujourd’hui! On garde un oeil sur le rétroviseur, nos ados voient cette période comme la préhistoire, pendant que nous nous se raccrochons à cette jeunesse pas si révolue que ça au final. Parce qu’on se sent fier, quand à près de 50 balais on arrive encore à placer quelques petites figures de breakdance, à placer notre blaze avec style sur un mur ou toujours connaitre par cœur un refrain rap entêtant de l’époque. Le Hip Hop sauce senior est désormais un mode de vie, mais aussi une cible marketing potentielle. Il suffit de voir l’engouement de la vieille garde pour la réédition de certains modèles de pompes, l’évocation du docu Rubble Kings ou de la série The Get Down sur l’émergence du Hip Hop, qui sera diffusée sur Netflix. On attend d’ailleurs avec impatience les concerts “tetes de bois et âge tendre” sauce Hip Hop et là, on pourra dormir tranquille… En attendant, vous pouvez reprendre une activité normale, car y’a boulot demain et le réveil sonne à 6h30! Vous me suivez?
(a) Je pars du principe que tous nos lecteurs ne sont pas issus du Hip Hop et ne connaissent pas forcément toutes les légendes de l’époque citées plus haut.
(b) Le mouvement Hip Hop a mauvaise presse à cette époque (Public Enemy, les Zoulous, faits divers etc…)
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